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joi, 5 iunie 2014

La BD

 Certains ont fait remonter les origines de la bande dessinée à Lascaux, aux fresques égyptiennes ou à la tapisserie de Bayeux. Sans aller si loin, on considère que les premières associations de texte et d'images pouvant être qualifiées de bandes dessinées datent du début du 19ème siècle avec les oeuvres de Rodolphe Topffer.


 Ce dernier a conscience de créer un mode d'expression nouveau et va donner une première définition de la B.D. : « [Elle] est d'une nature mixte et se compose d'une série de dessins au trait, chacun de ces dessins est accompagné d'une ou deux lignes de texte. Le dessin sans ce texte n'aurait qu'une signification obscure ; le texte sans le dessin ne signifierait rien. »
    A comparer avec les définitions du type de celles que l'on trouve dans la plupart des dictionnaires : « récit fait d'images dessinées à l'intérieur desquelles figure un texte composé principalement de commentaires et de dialogues », et qui paraissent un peu courtes. D'après elles, par exemple, une B.D. sans texte (il y en a beaucoup) n'en serait plus une.
    Pour ma part, celle-ci, qui est de Scott Mac Cloud, me semble plus pertinente : « images picturales et autres, volontairement juxtaposées en séquences, destinées à transmettre des informations et/ou à provoquer une réaction esthétique chez le lecteur ».

    Puisque nous en sommes à définir la Bande Dessinée, notons que les appellations qui la désignent ont considérablement varié, et sont toujours assez diverses. Jusqu'à la fin des années 50, le public parlait plus volontiers d'« illustrés » que de « bandes dessinées ». Ce dernier terme apparaît vraiment dans les années 1940 et viendrait des États-Unis (de l'anglais « comic strip »), où beaucoup de gags en une bande, comme celui de Calvin et Hobbes ci-dessous, étaient publiés dans la presse.

Il tarde à s'implanter en France où les dessinateurs travaillent par planche et non par bande.
    On parle aussi de « figuration narrative » ou d' « art séquentiel ».
    Quand au terme 9ème art, Les avis divergent selon les sources. D'après Francis Lacassin, défenseurs du genre depuis les années 60 et membres du Club des bandes dessinées dont faisaient également partie Forest, Tchernia, Averty, Goscinny,... on le devrait à Morris et à Lacassin lui-même. Comme ce dernier le raconte dans « Goscinny : Biographie, 1997 » de Marie-Ange Guillaume : « Morris faisait une série d'articles [sur la B.D.] dans Spirou et il voulait appeler ça le huitième art, mais je lui ai dit de se méfier car le huitième art était peut-être la télévision. Je lui ai donc proposé le neuvième. Forest et les autres ont été d'accord. » Et comme le rajoute Marie-Ange Guillaume : « La télé n'ayant jamais été un art et n'étant pas près de le devenir, il n'y a pas de huitième art... » Mais d'après Didier Pasamonik, l’expression « 9ème art » aurait été inventée en 1964 par le critique de cinéma Claude Beylie. Elle a ensuite été popularisée par Pierre Vanker, un cadre des chemins de fer belges passionné de BD, et le dessinateur de Lucky LukeMorris qui réalisèrent dans Spirou une rubrique intitulée « 9ème Art », sous-titrée « musée de la bande dessinée ». Qui a raison ? Si quiconque à d'autres renseignements, merci de me les communiquer...
    Par ailleurs, les termes varient beaucoup suivant les pays : comics aux États-Unis (parce que les premières B.D. étaient toutes comiques), historieta (petite histoire) en Espagne,fumetti (petites fumées, à cause des ballons !) en Italie, manga (de man : imprécision, légèreté et ga : esquisse, illustration) au Japon,...

    Reprenons notre historique. En France, le dessinateur Christophe crée dans les années 1890 la famille Fenouillard, le sapeur Camembert, le savant Cosinus, en gardant toujours ce principe du texte illustré par une image (d'où le nom d'« illustrés »). Il découvre et utilise, largement avant le cinéma qui n'est pas encore né, de nombreux cadrages comme les plans américains et moyens, le travelling, le panoramique, la plongée, la caméra subjective... Bref, il commence à construire le langage graphique.

           


  C’est au USA que la B.D. éclate et se répand vraiment, surtout grâce à la presse (les journaux américains se font concurrence dans ce domaine, elle s’adresse donc plus aux adultes qu’aux enfants) : en 1896, The Yellow Kid est la première série publiée et connaît un énorme succès. C'est dans cette B.D. que l'on voit pour la première fois apparaître les ballons (ou bulles, ou phylactères). C'est aussi la première série à héros de la B.D..


    La bande dessinée américaine va ensuite se développer dans les « comic books », petits fascicules d'une trentaine de pages. Superman naît en 1938.
    En Europe, c’est surtout dans les revues pour enfants que la B.D. se développe, et ce timidement car ces journaux sont très conservateurs. La série Zig et Puce d'Alain Saint-Ogan, qui débute en 1925, est la première à n'utiliser que les bulles pour faire s'exprimer les personnages : la présence de texte sous l'image faisait en effet plus sérieux et les éditeurs hésitaient à laisser les auteurs s'en passer.
    Dans les années 1930, la bande dessinée américaine envahit la France avec un énorme succès : elle est vive, nerveuse, pleine d'action, malgré les traductions qui atténuent ses aspects trop hardis, voire censurent textes et dessins (n'oublions pas que dans son pays d'origine elle s'adressait essentiellement aux adultes). Les productions françaises, trop mièvres, sont pour la plupart balayées.  

 En 1929, c'est la naissance de Tintin, qui connaitra un succès international. Hergé va énormément influencer la bande dessinée européenne, à la fois au niveau graphique et narratif. Surtout, il va amener deux éléments fondamentaux :

- le scénario bâti de bout en bout : relisez ses premiers albums (Tintin en Amérique, Tintin au Congo) et vous verrez que le récit consiste plus en une série de séquences juxtaposées et interchangeables qu'en une histoire linéaire, même si on trouve un lien de fond. Les choses changeront avec « Les cigares du Pharaon » et surtout « Le lotus bleu » où la construction de l'histoire est bien plus précise et élaborée.
- la documentation : sa rencontre avec un jeune étudiant chinois, Tchang Tchong-Jen, alors qu'il réalise ces deux albums, l'amène à approfondir ses histoires et à mieux se documenter. A cet égard, on peut se demander si cet extrait du « Lotus bleu » n'est pas un exorcisme du ton caricatural qu'il aurait pu donner à son histoire s'il n'avait pas fait cette rencontre, et qui était le sien dans « Tintin au Congo » par exemple.

 En 1938 naissent Spirou et son journal, qui sera une pépinière d'auteurs de premier plan : Franquin (Gaston Lagaffe), Morris (Lucky Luke), Jijé (Valhardi, Jerry Spring), Peyo (Johan et Pirlouit, les Schtroumpfs), Tillieux (Gil Jourdan), Roba (Boule et Bill), Charlier (Buck Danny), et bien d'autres.
    Le personnage de Spirou connaîtra plusieurs dessinateurs successifs : Rob-Vel, Jijé, Franquin, Fournier, Nic Broca et Cauvin, Tome et Janry (qui créent le petit Spirou). Ce cas de figure va nous permettre au passage de parler de la façon dont fonctionne le système des droits sur les personnages.
            Les droits d'auteurs
    En Europe, les auteurs sont propriétaires des personnages qu'ils ont créés. S'ils acceptent par contrat de faire publier leurs albums chez tel éditeur, ils redeviennent à l'expiration du contrat libre de faire ce qui leur convient. C'est ainsi que Goscinny a pu récupérer Lucky Luke pour Dargaud et le journal Pilote à l'occasion d'une fin de contrat, alors que ce personnage avait été créé pour les éditions Dupuis et le journal Spirou. Les contrats sont renégociables quand ils viennent à expiration (en terme de salaire notamment), les planches restent la propriété du dessinateur, les auteurs touchent des dividendes sur les ventes à l'étranger, les rééditions ou le merchandising, etc...
    Ce système n'est pas universel. Rien de tel, par exemple, pour les auteurs américains qui ne semblent pas toujours profiter des mêmes droits sur la propriété intellectuelle que les auteurs français. Souvent, dans l'industrie (car c'en est une) des comics de super-héros type Superman ou Spiderman, ils ne sont pas propriétaires de leurs personnages (qui appartiennent à l'éditeur) et souvent même pas de leur travail : les planches sont vendues une fois pour toute à l'éditeur. Ils sont payés de façon forfaitaire et ne touchent généralement aucun droits sur le tirage, les rééditions, les produits dérivés. S'ils ne donnent pas satisfaction, le personnage leur est enlevé et est confié à d'autres dessinateurs. Difficile dans ces conditions de parler de travail d'auteur et la qualité globale de la bande dessinée américaine, notamment pour la jeunesse, souffre de cet état de fait ! (A contrario, les bonnes conditions faites aux auteurs européens, et notamment français et belges, ont favorisé l'apparition d'une bande dessinée de qualité). Mais bien sûr les choses évoluent, ce cas de figure n'est pas une règle absolue, les auteurs les plus doués arrivent à s'imposer et il y a une production adulte riche, un travail d'auteur, une reconnaissance aux États-Unis aussi.
    Notons par ailleurs que la production éditoriale elle aussi est différente : la B.D. paraît dans la presse et les comics, les albums « de luxe » comme les nôtres (grand format, cartonnés, comme ceux de Tintin ou d'Astérix) sont peu connus là-bas.
    Pour en revenir au cas « Spirou » et pour donner une idée de ce que peut être la gestion des droits (dans un cas un peu alambiqué, je l'avoue), leur historique donne à peu près ceci :
- Robert Velter, qui signe Rob-Vel, crée les personnages de Spirou et de son écureuil Spip en 1938. Appelé sous les drapeaux, il ne peut plus animer la série qu'épisodiquement. Il revend donc ses personnages en 1943 aux éditions Dupuis qui en sont encore aujourd'hui propriétaires.
- Jijé a repris le personnage (avec l'accord de Dupuis) et lui adjoint un compagnon, Fantasio. Quand il abandonne la série à Franquin en 1946, il revend à Dupuis le personnage de Fantasio. Ce dernier est en effet la propriété de Jijé puisqu'il en est l'auteur.
- Franquin va animer Spirou pendant plus de vingt ans et créer tout un univers autour de ce héros : le comte de Champignac, le maire de Champignac, le marsupilami, Seccotine, Zorglub, etc... Quand il cédera à son tour la place à d'autres il revendra tout ce petit monde à Dupuis, à l'exception notable du marsupilami. C'est pourquoi ce dernier n'apparaît plus dans les aventures de Spirou et vit maintenant, sous la plume de Batem ou en dessin animé, sa propre vie.
    Bien que ce cas de figure soit assez exceptionnel, on voit ainsi comment les droits peuvent appartenir à plusieurs personnes et évoluer à l'intérieur même d'une série donnée.


    Le journal de Tintin naît en 1946 et va lui aussi publier des auteurs et des séries phares de la bande dessinée : Jacobs (Blake et Mortimer), Cuvelier (Corentin), Martin (Alix), Tibet (Chick Bill, Ric Hochet), Graton (Michel Vaillant), etc...
    Il y a une différence entre le journal de Spirou et celui de Tintin : le premier est plus axé sur l'humour, le second sur l'aventure (Hergé a un droit de regard sur ce qui passe dans le journal et il est très réticent devant l'ironie, la violence, etc... Pour lui, les héros de B.D. doivent être positifs).

    Notons que « Spirou » et « Tintin », ces deux grands journaux de B.D. pour enfants, sont belges. Un autre grand hebdomadaire de bande dessinée existe en France : Vaillant, qui deviendra Pif Gadget. Édité par le parti communiste (mais ça ne se sent qu'en filigrane dans le contenu du journal), il publie lui aussi de grandes signatures : Poïvet (Les pionniers de l'espérance), Arnal (Pif le chien, Placid et Muzo), Cézard (Arthur le fantôme), Gillon (Fils de Chine), Tabary (Richard et Charlie, Totoche), Gotlib (Nanar et Jujube, Gai-Luron), etc... Cette production pourtant riche laissera moins de trace dans l'histoire de la bande dessinée qu'elle ne l'aurait mérité, sans doute à cause d'une politique de production d'albums quasi inexistante.

 Et c'est avec l'évolution du journal Pilote qu'elle le fera. Pilote est né en 1959, fondé par Goscinny, Charlier et Uderzo : deux scénaristes et un dessinateur.

Commençons par préciser que le scénariste n'est pas reconnu à l'époque. L'éditeur Dupuis disait en substance : « Si un dessinateur veut s'offrir un scénariste, c'est son problème, pas le mien. » Il ne reconnaissait donc au niveau comptable que le dessinateur, payé pour l'ensemble du travail, charge à ce dernier de laisser une partie de ce salaire à son scénariste s'il en avait un. C'est ainsi que Morris paiera longtemps Goscinny de la main à la main pour les scénarios de Lucky Luke.
    De toute façon, toute la profession, dessinateurs comme scénaristes, n'a encore guère de droits (heureusement, la situation changera, voir la partie sur les droits d'auteurs). Comme le dira un auteur célèbre, « La bande dessinée n'est pas un art, même mineur. C'est un mal ». Les auteurs ne sont pas cités, ils sont mal payés.
    Goscinny, Charlier et Uderzo décident de réagir à cet état de fait et préparent une charte qu'ils comptent présenter aux éditeurs et qui porte sur les droits d'auteur et les conditions de travail. Ils organisent une réunion de la profession, obtiennent un accord général. Mais ils sont dénoncés par un dessinateur et placés sur une liste noire : ils ne pourront plus travailler. Un professionnel dira même à Goscinny : « Uderzo et Charlier s'en tireront, vous non », ce qui ne manque pas de sel quand on connait la suite de l'histoire ! Après plusieurs années de galère et de petits métiers, ils réussissent à trouver des financements et créent leur propre journal.

Qu'amène Pilote dans le monde de la B.D. de l'époque ?
- il vise un public d'adolescents et non plus d'enfants
- il va donner à la B.D. un de ses personnages les plus connus : Astérix, et il y aura une folie Astérix : le premier satellite français porte son nom, De Gaulle s'y intéresse (notons qu'il avait aussi parlé de Tintin. Lisait-il des B.D. en cachette ?) et donnera, pendant un conseil des ministres, des noms en ix à tous les présents...
- il accueille des auteurs parmi les plus grands : Greg, Gotlib, Cabu, Fred, Druillet, Alexis, Brétécher, Tardi, Bilal, tous ceux qui feront le renom de la B.D. française
- il va évoluer en même temps que son lectorat et donner naissance à la bande dessinée adulte

    Une telle évolution était prévisible quand on sait la volonté de Goscinny, qui est avec Charlier rédacteur en chef du journal, de donner ses lettres de noblesse à la Bande Dessinée. Il pousse les dessinateurs à avoir une mentalité d'auteur à part entière, les encourage à s'assumer face aux préjugés sur la B.D., à repousser leurs limites. Il refuse une pratique en cours à Spirou ou Tintin : celle du référendum des lecteurs, qui sont invités à noter les séries du journal, une mauvaise note se traduisant souvent par l'élimination de la série ! Pour lui, c'est au rédacteur en chef de savoir ce qu'il veut présenter dans son journal, quitte à bousculer un peu le lecteur.
    Un exemple parlant sur cette volonté d'affirmer les auteurs : dans ses interviews, il citait ses créations majeures, Astérix, Lucky Luke, mais omettait de parler d'Iznogoud. Tabary, dessinateur d'Iznogoud, lui en demanda la raison et Goscinny lui répondit en substance : « C'est parce que vous ne signez pas vos planches. Assumez la paternité de votre travail et j'assumerai la mienne. » Tabary se mit à signer ses planches, et Goscinny à citer Iznogoud parmi ses créations.
    De même, quand Fred crée Philémon, Goscinny lui déclare : « C'est formidable, on le passe ». Et quand arrive une avalanche de lettres de lecteurs, sur le thème « Qu'est-ce que c'est que ce dessinateur qui ne sait pas dessiner ! On ne comprend rien. », Goscinny dit à Fred : « On insiste, les gens vont finir par s'habituer. »

 Autre exemple sur sa volonté de faire évoluer le ton de son journal : la première fois qu'il reçut Druillet, il lui déclara après avoir examiné ses planches : « Votre travail est formidable, mais vous arrivez trop tôt. »


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